Parcours professionnel
1:17
Mon nom est Nadine Pichelot. Je suis vice-présidente finance dans une société qui s'appelle Anaplan, une société qui commercialise un logiciel de planification connecté. Ça fait plus de 30 ans que j'occupe des postes à la fois dans la finance et les opérations. Je dirais que j'ai eu un parcours assez atypique pour un financier, parce que j'ai fait beaucoup de choses très différentes et j'ai travaillé dans des sociétés américaines pour la plupart de ma carrière, notamment chez Dell, Apple, Cisco. Je dirais que c'est l'intuition et l'envie d'apprendre et de faire des nouvelles choses qui m'ont poussé à faire de la finance opérationnelle. Je ne suis pas une financière spécialisée, je suis plutôt opérationnelle et la notion de partenariat avec le business est très importante.
Travailler pour des grands groupes américains m’a apporté plusieurs choses : le “Yes we can” je pense qu'il est important, il y a cette notion d'optimisme et l'envie de trouver des solutions, c'est quelque chose qui correspond vraiment à ma façon de fonctionner, à ma personnalité. Ensuite, il y a cette possibilité de jobs assez internationaux et d'être confronté à différentes cultures. C'est vraiment quelque chose que j'ai beaucoup apprécié. Ces sociétés m'ont permis d'avoir des positions souvent européennes et globales, qui m'ont permis de voyager, de rencontrer des cultures différentes, de travailler avec des équipes différentes. Je dirais que c'est ça qui m'a beaucoup plu. Après, bien sûr, ce sont souvent des groupes qui demandent de la productivité et des résultats. Toujours dans une atmosphère engageante et dynamique qui correspond tout à fait à ma façon de fonctionner.
Gestion des talents
4:20
Je ne crois pas qu'il y ait de recette magique. D'abord, il faut savoir bien s'entourer. S'entourer de gens plus intelligents que soi, c'est quelque chose de fondamental et ça marche pour tous les leaders qui réussissent, ne pas avoir peur de s'entourer de personnes qui peuvent vous prendre votre job.
Toujours en ayant un plan de succession parce que personne n'est immuable. La gestion du talent, pour moi, c'est critique au succès, parce qu'on ne réussit pas tout seul, je dis toujours à mes équipes qu'on n'a pas une marque individuelle, on a une marque d'équipe, c'est très important.
Ensuite, savoir entendre les indices que votre corps peut vous donner quand vous allez un petit peu trop loin. On n'a pas une carrière sans travailler ni sans investir beaucoup, il faut toujours garder le bon équilibre, savoir s'arrêter, savoir écouter, savoir dire non aussi. La finance est un partenaire du business, donc bien sûr on doit être là pour aider le business, mais de temps en temps, c'est aussi savoir dire non sur des choses qui amènent une surcharge de travail déraisonnable. Je vais vous donner un exemple : quand on travaille dans certaines sociétés sur une période qui est difficile, les chiffres que la finance va montrer vont être des chiffres que le business va avoir du mal à accepter. Quand le business a du mal à accepter des chiffres, il va demander de plus en plus d'analyses. Je dis souvent qu'il est très important de regarder la réalité en face. Donc voilà quelques petites choses, je pense, qui m'ont aidé à être ou je suis aujourd'hui.
On apprend à dire non avec la séniorité, il y a une légitimité pour dire non. On apprend à le dire dans un périmètre plus restreint au début. On peut le dire sur des choses très basiques, non à quelqu'un qui va demander de faire quelque chose à sa place. Ça demande du temps de dire non, parce que c'est aussi apprendre aux autres à le faire. Il faut le faire et apprendre aux collaborateurs et collaboratrices à le faire tôt dans leur carrière. C'est vraiment une compétence qui s'acquiert. Dire non sur des choses plus compliquées, plus stratégiques, qui ont un impact important, je pense que ça vient avec la séniorité et le respect aussi.
Vision technologique
9:06
Je pense que la technologie est un catalyseur de changement sur les façons de fonctionner, sur la gouvernance et sur les talents. C'est très important pour une femme de savoir comment elles peuvent changer la finance dans leurs entreprises. La technologie peut redonner du temps aux équipes. On va peut-être rentrer dans des clichés, mais souvent les femmes vont avoir plus de mal à trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Et, la technologie va pouvoir leur permettre de générer du temps pour consacrer du temps sur des tâches à forte valeur ajoutée. Il faut mettre en place des process d'automatisation assez basiques, pour pouvoir passer du temps sur la valeur ajoutée, sur des visions plus stratégiques, sur la prise de décisions, sur la conformité... Je pense qu'avoir une vision très claire d'où la technologie peut être un vecteur d'avancement pour les femmes.
Célébration du succès
11:21
J'ai plusieurs conseils là-dessus. Pour moi, il faut avoir une vision très stratégique et ne pas avoir peur de l'ampleur du projet, avoir une vision très courageuse et à long terme. Ensuite, c'est comme un voyage, je dis toujours : il y a la destination et ensuite on met le GPS en route. Vous devez bien identifier vos compagnons de voyage. Ce n'est pas qu'un voyage de la finance, c'est clé d'embarquer d'autres directions avec soi, sinon on ne va pas y arriver. Il faut donc garder en tête la destination, les compagnons de voyage, ensuite le GPS va vous guider, peut-être vous faire prendre un autre chemin. Il ne faut pas avoir peur de ça.
Il faut être capable d'avoir des petits succès et de les célébrer. La route est longue, elle peut être compliquée, elle va être semée d'embûches et il faut être capable de trouver très rapidement les points de douleurs pour pouvoir les surmonter. Identifier les projets qui peuvent être petits, qui vont vous amener du succès. C'est comme ça qu'on embarque les collaborateurs. Il faut avoir une vision à long terme, stratégique et très ambitieuse. Enfin, célébrer les petits succès et les étapes mais n'oubliez jamais la destination, c'est très important.
Chez Anaplan, entreprise en hypercroissance, on célèbre nos succès. On pense toujours à demain, le forecast de demain, le trimestre prochain etc. et on oublie parfois de regarder ce qu'on a fait. Effectivement, tous les trimestres on prend le temps de regarder tout ce qu'on a fait et avec la région, l'équipe etc. Et on le publie et on le célèbre, et c'est un vrai vecteur aussi de l'engagement des collaborateurs.
Excellence et perfection
15:00
Alors déjà je différencie l'excellence de la perfection parce qu'on dit beaucoup que les femmes sont perfectionnistes. Je vous rassure, la perfection n'existe pas. Celui qui vous dit qu'il est parfait, ment. La perfection est relative. C'est très important de voir l'excellence dans un cadre : dans quel cadre vous opérez ? Quels sont vos indicateurs ? À quoi vous allez vous mesurer ? Parce que vous allez toujours trouver meilleur que vous, et si vous ne définissez pas un cadre très précis, vous allez toujours être insatisfait et l'insatisfaction fait que vous ne serez pas excellent. Je vais vous donner un exemple. Quand j'étais chez Dell, le patron de l'Europe, Paul Bell, était très attaché à ce qu'on ait un vrai programme de diversité et d'inclusion des femmes. Sa notion de l'excellence était de mesurer tous les trimestres les progrès de chaque patron, que ce soit de business unit ou de pays, pour voir le pourcentage de femmes dans la totalité des salariés dans le département ou d'un pays. Et quel était le pourcentage de femmes dans le comité de direction ? S'il y avait eu des mouvements. Est-ce qu'on arrivait à 50 % ? Est-ce que c'était l'excellence ? Sans doute non. Mais c'était quelque chose de très simple, qu'on pouvait mesurer très régulièrement. Donc pour moi, l'excellence, c'est aussi la mesure du progrès, sans se mettre des objectifs inatteignables. Ce sont des petits pas vers l'excellence. C'est la mise en place d'habitudes, il n'y a rien sans discipline, sans continuité et sans assiduité. Il n'y a malheureusement rien de magique. Et après vous allez dire que le cadre est peut-être trop petit, je vais ouvrir la fenêtre et aller vers quelque chose de plus grand.
Éthique et conformité
18:46
L'éthique et la conformité, pour moi, c'est une ligne qu'on ne franchit pas. Avoir des comportements répréhensibles, des comportements qui peuvent amener des peines judiciaires pour moi, c'est non. On dit souvent que les femmes sont moins politiques que les hommes. Par exemple, créer son réseau, c'est quelque chose ou les femmes font moins que les hommes. L'important c'est de se respecter les uns les autres. Après, il y a les émotions. On dit toujours que les femmes ont plus d'émotions, je pense que c'est une force d'avoir un quotient émotionnel important, il faut simplement savoir l'utiliser à bon escient et toujours rester factuel. Pour revenir sur l'éthique, les femmes sont très respectueuses de ça et c'est une grande force, il faut aussi savoir utiliser son réseau et se comporter de manière politique en respectant son éthique.
Mentorat et apprentissage
21:15
Je pense que le mentorat y prend encore plus d'importance en ce moment dans un monde qui va être hybride. Si on regarde le futur du travail, on va moins au bureau, on voit moins les gens. On voit moins ce qu'on appelle des rôles modèles, des gens qu'on verrait en situation dans des réunions. Je pense que c'est une obligation pour toutes les femmes qui réussissent, qui ont eu une carrière, qui peuvent donner, de rendre aussi, d'aider les autres. J'aime beaucoup cette citation de Madeleine Albright qui dit : "il y a une place en enfer pour les femmes qui n'aident pas les femmes". Moi j'aide les femmes parce que c'est important. Je vais vous donner un exemple. Je fais du mentorat pour sept personnes chez Anaplan en ce moment. Je fais aussi beaucoup de mentorats pour des jeunes qui sont dans mon réseau, de mes amies, pour des questions sur les études, pour préparer un entretien, pour se donner un boost de confiance. C'est quelque chose que je fais et que j'aime faire parce que ça m'apporte beaucoup de choses. Chez Anaplan, je mentore des hommes et des femmes c'est très important. Et à des postes très différents, ça peut aller des ventes, aux fonctions support, à des fonctions tech. On travaille sur des situations très concrètes et ensuite j'essaye de leur donner quelques conseils. Et puis je vois comment ça a pu fonctionner ou pas. Il y a eu des grands succès ou mes conseils ont marché puis il y a eu des grands échecs aussi ou malheureusement ça n'a pas marché comme on voulait. Donc on échange.
J'apprends tellement, sur une génération qui n'est pas forcément la mienne et dans des environnements qui ne sont pas le mien, qui sont parfois très techniques. Pour moi, c'est extraordinaire de faire ça. Il y a aussi un programme qu'on a mis en place aux États-Unis, qui amènent des talents issus de la diversité, LGBTQ, ou là aussi je mentore une jeune femme dans ce programme. Dans ce cas-là c'est plus pour avoir les codes, pour des choses assez basiques aussi que forcément les gens n'ont pas forcément. C'est pour moi une grande source d'inspiration, d'énergie et de joie et bonheur quand je vois qu'un conseil marche. J'encourage absolument toutes les femmes qui peuvent le faire parce que c'est un vrai bonheur et ce n’est vraiment pas compliqué à mettre en place. C'est le reverse mentoring, j'estime que je l'ai parce que j'apprends tellement. Et un point très important sur le réseau, je dis souvent que le réseau, c'est comme un jardin, ça se cultive. Qu'est-ce que je donne au réseau ? Qu'est-ce que je donne aux gens pour qu'après je puisse leur demander ? Par exemple, il y a des femmes qui ont l'impression que des collègues, des amies réussissent mieux qu'elles. Il faut enlever toute émotion là-dessus et être content et satisfait de les voir réussir, de les encourager. C'est aussi une attitude à avoir, ne pas être dans l'envie, ne pas se dire ce n’est pas moi, de pas avoir cette amertume. Je l'ai aussi, et ce n'est pas toujours très simple. Ce qui permet aussi d'entretenir le réseau. Parce ce que vous avez fait pour les autres, ils vous le rendent au centuple. C'est aussi cultiver sa marque, que ce soit personnellement, ou professionnellement. C'est quelque chose aussi qui est très très important, je trouve.
Conseils aux femmes
26:30
Si j’avais un conseil à donner aux jeunes femmes qui veulent se lancer dans la finance je leur dirai de foncer ! Il faut foncer, il ne faut pas se mettre de limites. Alors, il faut avoir conscience des environnements dans lesquels on va. Je pense qu'il y a un vrai sujet maintenant, il y a des domaines où l'équilibre vie privée, vie professionnelle fait peur. Effectivement, les femmes disent "c'était assez compliqué" mais tout change, il faut bien se connaître. Se faire une liste de ce qu'on accepte et de ce qu'on n’accepte pas. Et, ne pas se mettre de limites parce qu'il n'y a pas de limites. Gardez la possibilité de créer son opportunité, il y a une telle demande dans certains métiers qu'il faut y aller. Je pense que tout est possible.